Clinamen

Anthea Lubat

14.09 – 03.11.2019
Texte d'Ana Mendoza Aldana
Clinamen - Les Bains-Douches, Alençon
Clinamen - Les Bains-Douches, Alençon
Clinamen - Les Bains-Douches, Alençon
Clinamen - Les Bains-Douches, Alençon
Clinamen - Les Bains-Douches, Alençon
Clinamen - Les Bains-Douches, Alençon
Clinamen - Les Bains-Douches, Alençon
Clinamen - Les Bains-Douches, Alençon
Clinamen - Les Bains-Douches, Alençon
Clinamen - Les Bains-Douches, Alençon
Clinamen - Les Bains-Douches, Alençon
Clinamen - Les Bains-Douches, Alençon
Clinamen - Les Bains-Douches, Alençon

Un anneau coloré, tel un portail, ouvre vers un au-delà encore inconnu.

Comme dans un film de science-fiction, la porte demeure dans l’ombre, encadrée de lumière. Tout autour. On ne sait pas encore très bien ce que promet l’éblouissement de cette porte ouverte : appelle-t-elle à la traversée, ou annonce-t-elle le monstre ?
Comme des passerelles entre deux mondes, sur le papier, l’encre peut se transformer en crayon de couleur, et la tache de peinture se sublimer, ne laissant derrière elle qu’une ombre, empreinte en négatif de la trace du feu.
Ces transmutations-là sont subtiles ; elles s’opèrent à l’échelle de l’infime, dans une temporalité qui leur est propre.

We are the music makers
And we are the dreamers of dreams

La surface blanche, c’est partir de zéro. C’est s’offrir la possibilité d’inventer un nouveau langage, comme quand on est enfant — un langage que, des années plus tard, seuls certains sauront reconnaître. Ce langage crypté recèle, dans chacun de ses symboles, un potentiel incantatoire insoupçonné.
Nous aurons soulevé feuilles et pierres, trouvé les runes cachées dessous, et qui forment désormais notre alphabet.
Les figures ont poussé sur le papier comme du lichen, accrochées aux bords tantôt calcaires et poreux de nos idées, tantôt froids et acérés de nos pensées.

Les images flottent en apesanteur, ni tout à fait de ton côté, ni tout à fait du mien.
Là où tu croyais reconnaître un os, une forme minérale précieuse, un arc-en-ciel, quelque chose de familier, une notion que tu croyais apprivoisée — la forme t’échappe désormais, et se transforme en vapeur d’eau.
L’image est aussi tout ce qu’elle n’est pas. Peut-être trouve-t-elle d’ailleurs toute sa justesse dans l’empreinte qu’elle laisse au fond de ta rétine : quittant son état aqueux, se délestant de sa piscine aux sels d’argent, pour ne laisser derrière elle qu’un silence blanc.

Un fragment de vis, des phases lunaires schématisées, des spirales colorées, une tache d’encre soufflée, un mélange de laque qui s’écaille, un éclat de pierre rougeâtre, une miniature de paysage en grisaille comme prélevée d’une peinture flamande — tous peuvent cohabiter.
Le papier s’anime.
On les retrouve parfois en miroir, d’une feuille à l’autre ; parfois plus loin, à une échelle différente, comme pour évoquer la possibilité d’un autre ordre spatio-temporel : une interprétation plastique de l’effet papillon.

Parfois, les motifs s’étendent sur plusieurs feuilles, intervertissant leurs places sur le devant de la scène. Depuis peu, ils sortent même du papier pour prendre forme en trois dimensions.
Le charbon, le plâtre, le mortier, et leur manipulation dans l’espace, ouvrent une infinité de possibles : l’occasion de partager l’émotion des premiers explorateurs — tout est à inventer.
Puis, comme un fil rouge, dans toutes ces pièces, il y a surtout le plaisir de la composition.
Le plaisir du crayon à papier et de la mine de plomb qui trace, gratte, grave : le geste minutieux du travail, brodant la dentelle, la trame d’une nouvelle image.