Sébastien Rémy

A Scenario For a Silent Play

Sébastien Rémy avec Marcel Devillers et Marion Vasseur Raluy

29.11.19 – 19.01.20

Je pars des accessoires. Ce sont les héros de ce livre. […] Les accessoires ont donc le rôle principal, les personnages les habitent un moment puis disparaissent pour (pour certains) réapparaître plus tard. […] Certains mots ou locutions jouent aussi ce rôle de héros que viennent utiliser un instant des hommes, de zéros : cette figure vide qui se remplit et se revide aussitôt. Poser dès le début les accessoires principaux qui domineront : une voix, un habit, un grand hôtel, un film, une silhouette au buste en arrière riant, la figure évanescente et obsédante comme un spectre de Lénine, etc. À la fin, à nouveau, tout cela reste vide, une suite de mots.

[Jean-Jacques Schuhl, Télex n°1, 1976]

Comme dans ce passage du roman de Jean-Jacques Schuhl, figurer un décor dans lequel les accessoires auraient à leur charge de porter la narration. « Je pars des accessoires. Ce sont les héro.ïne.s de [cette exposition] ». S’animeraient un instant, mus par l’observateur.trice qui conférerait à ces signes, identités, vécus et intrigues vraisemblables. Avant de s’évanouir, mutiques, dans l’attente de projections renouvelées.

Le lieu : les coulisses d’une scène de spectacle, emplies de silhouettes et de mots

Le temps : il fait nuit et jour, ne pas choisir, l’atmosphère lumineuse varie, évolue de nuances vives de jaunes presque palpables [the day is bright as urine] à un rose rouge, de fard [there is blushing despite the dark].

Les protagonistes : un pan de tissu imprimé, des costumes, une perruque, un portant, un symbole antique, des masques sur des masques sur des masques. Leurs expressions et genres sont troubles.

Il y a un an et demi environ, Sophie Vinet, directrice des Bains-Douches m’invite dans le cadre d’une résidence à porter un nouveau regard sur le fonds constitué de textes, de revues, d’affiches, d’ephemeras et de correspondances qu’elle alimente depuis 2011 autour de Piero Heliczer.

Éditeur, poète, cinéaste, acteur, enfant star dans l’Italie mussolinienne, fondateur de la Paris Filmmakers Cooperative, Heliczer est héritier des écrivains de la Beat Generation. Bien qu’il se situe à la croisée de l’histoire de la poésie, du cinéma autant que de la contre-culture, il en reste néanmoins une figure des marges, un météore, apparaissant majoritairement par rebonds dans les biographies et les ouvrages consacrés à d’autres que lui (Warhol, le Velvet Underground, Gerard Malanga, etc.).

Dans l’abondante documentation conservée aux Bains Douches, d’où ressortent des noms aux trajectoires plus singulières les unes que les autres, tels Angus MacLise, Gregory Corso ou Jack Smith, il m’était difficile de suivre un unique fil conducteur. Pendant ces mois de recherche, j’en filais toutefois plusieurs, avec un intérêt particulier pour les pièces de théâtre qu’Heliczer écrivit.

Rares, elles sont réunies dans trois recueils publiés en 1971, chacun particularisé par la couleur de sa page de garde, bleue, verte ou jaune. Cette exposition s’inspire aussi bien de ces pièces, que des figures, motifs et obsessions qui peuplent ses poèmes, films et collages.

En écho aux mouvements à l’œuvre dans les écrits d’Heliczer, de dédoublements, de travestissements, d’incarnations successives d’une même identité au travers de multiples corps, organiques ou non, plusieurs auteur.trice.s ont été invité.e.s à habiter de leur voix l’exposition, à habiller de leurs mots les accessoires, les héro.ïne.s silencieux.euses de cette exposition.

 

A scenario for a silent play – Sébastien Rémy

Sébastien Rémy. A scenario for a silent play