Divinités, fleurs, plis et replis

Divinités, fleurs, plis et replis

Sosthène Baran, Thomas Gaugain, Arthur Marie, Jade Moulin, Léa Nugue, Alice Quentel, Camille Soulat

25.06- 01.08.21 

 photos : Romain Darnaud

Bliss

Il ne se passe probablement rien, sinon une certaine quiétude qui s’est installée dans les abîmes du quotidien. Alice, Arthur, Camille, Jade, Léa, Sosthène et Thomas se rejoignent dans des espaces clos scellés par une certaine mélancolie. Des pivoines se dessinent par empreinte et collage. Des fruits et une canette s’observent à travers un sac plastique ou la poche d’un vêtement. Le corps s’est absenté d’une chemise ou d’un pantalon froissés qui ont été répliqués et leur surface figée. Les visages ont disparu du champ, dissimulés dans des mains ou tournés vers l’extérieur. La luminosité de l’écran de l’ordinateur s’humidifie au contact du plexiglas. Une main virtuelle effleure des interfaces. Des figures apparaissent et se dédoublent. Peu importe sa linéarité, le temps a été renversé et le réel dans ce qu’il renferme de plus anecdotique s’est rempli de souvenirs, là où il avait tendance à s’effacer dans le rythme de la vie.

C’est ce flottement des habitudes qui recouvre un sentiment d’irréalité enfouie comme une tension surnaturelle qui affleure dans les récits. Lorsque les motifs du concret s’évaporent et se fondent doucement dans la fiction, ils rehaussent l’attention portée au ressenti plutôt qu’au signe matériel. C’est une sorte de « real-fiction » obsessionnelle de J.G. Ballard : « Ma science-fiction, puisqu’il faut bien l’appeler comme ça, est plus une real-fiction, comme on parle de real-politik : elle appréhende le réel comme une myriade de réalités floues ; elle tente de tracer les contours d’un monde contemporain, que beaucoup tendent à placer dans le futur, proche ou non» (*). En somme, une fiction du quotidien dont la patine d’étrangeté a fini par refléter une dimension narrative.

Le désenchantement s’il est fondateur nous emmène dans l’adolescence pas si lointaine, où les contres mondes s’apparentent à l’habitacle d’une fraiche nostalgie. Ce décollement du réel s’induit à travers des motifs picturaux relevant moins d’un acte de peindre d’après nature que d’après images. Leurs formes figuratives et apathiques semblent se lier à l’absorption des écrans, effleurés du bout des doigts. Comme on découperait des images adorées pour les mettre au mur de sa chambre sans en comprendre la signification réelle, ici la scénarisation participe à la construction de soi, là encore une question de surface, où partout s’immisce une attitude de repli dans lequel fuir, se blottir.

Fiona Vilmer

(*) Entretien avec J.G. Ballard par Jérôme Schmidt, dans Jérôme Schmidt et Émilie Notéris (dir.), J.G. Ballard, haute altitudes, Alfortville, Éditions è®e, 2008, p.19.

Bliss

Most likely nothing happens, except for a kind of quietness that has settled into the depths of the everyday. Alice, Arthur, Camille, Jade, Léa, Sosthène and Thomas meet in closed spaces sealed by a certain melancholy.  Peonies are drawn by impression and collage. Fruits and a can are observed through a plastic bag or the pocket of a garment. The body is absent from a crumpled shirt or trousers that have been replicated and their surface fixed. Faces have disappeared from the frame, hidden in hands or turned away. The brightness of the computer screen moistens upon contact with the Plexiglas. A virtual hand grazes the interfaces. Figures appear and split into two. No matter how linear it is, time has been reversed and reality in its most anecdotal form has been filled with memories, where it used to tend to fade away in the rhythm of life.

It is this floating of routines that covers a sense of concealed unreality as well as a supernatural tension that emerges in the stories. When the motifs of the concrete evaporate and gently melt into fiction, they enhance the focus on the feeling rather than the material sign. It is a kind of obsessive “real-fiction” of J.G. Ballard: “My science fiction, since it must be called that, is more real-fiction, as one speaks of real-politik: it apprehends reality as a myriad of blurred realities; it attempts to trace the contours of a contemporary world, which many tend to place in the future, near or not” (*). In short, a fiction of the everyday whose patina of strangeness has come to reflect a narrative dimension.

The disenchantment, if it is foundational, takes us back to a not so remote adolescence, where the counter-worlds are similar to the interior of a fresh nostalgia. This detachment from reality is induced through pictorial patterns that are less an act of painting after nature than after images. Their figurative and apathetic forms seem to be related to the absorption of the screens, brushed with the tips of the fingers. Just as one would cut up beloved images to put them on the wall of his/her room without understanding their real meaning, here the scenarisation participates in the construction of the self, there again a question of surface, where everywhere an attitude of withdrawal in which to flee, to huddle, is introduced.

Fiona Vilmer

(*) Entretien avec J.G. Ballard par Jérôme Schmidt, dans Jérôme Schmidt et Émilie Notéris (dir.), J.G. Ballard, haute altitudes, Alfortville, Éditions è®e, 2008, p.19.

 

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